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Les Tunisiens binationaux sont des Tunisiens comme les autres !

Article publié dans El Mouatinoun n°148, le journal officiel du FDTL, et écrit collectivement par l’équipe du FDTL-France.


Parmi les membres de la section française du FDTL, certains d’entre nous sont binationaux. Ce qui signifie qu’ils sont Tunisiens. A part entière. La précision devrait être inutile mais à l’heure où certains font mine de s’interroger sur la « pureté » de l’identité tunisienne, il convient de rappeler certains principes. En toute sérénité mais avec la fermeté nécessaire.

Non à toute forme de discrimination

Nos compatriotes binationaux auraient-ils « des droits supérieurs » aux autres Tunisiens qui risqueraient de conduire à une « Tunisie française » ? La réponse est NON.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur ce que pourraient être ces « droits supérieurs » au regard de la législation tunisienne. Les binationaux ont majoritairement soutenu la Révolution Tunisienne et souhaitent ardemment apporter leur pierre à la construction d’une Tunisie démocratique et réellement indépendante. Si ces pseudo « droits supérieurs » se limitaient à la faculté de voter dans deux pays différents, tout binational conscient de l’intérêt de la Tunisie ne pourra qu’être fier de participer le 24 juillet à l’élection de la première assemblée démocratique de l’histoire de la Tunisie, autant qu’il le sera le jour où il devra voter ailleurs pour favoriser l’avènement de gouvernements progressistes plus ouverts et plus attentifs aux relations euro-méditerranéennes.

En revenant sur les vingt-trois ans de dictature qui ont vu deux clans mafieux piller la Tunisie, bâillonner son peuple, le priver de perspectives d’avenir et souiller l’image de la Tunisie partout dans le monde, remarquons qu’aucun binational n’a acquis de notoriété particulière en raison d’un quelconque profit tiré de ces actes abominables.

Mais si les statistiques ne permettent pas d’évaluer précisément le nombre de Tunisiens binationaux, ceux-ci sont aujourd’hui très nombreux parmi le million de Tunisiens vivant à l’étranger, nés de mariages mixtes (dont certains ont toujours vécu en Tunisie) ou nés dans un Etat accordant sa nationalité aux enfants de parents étrangers nés sur son sol, comme tel est notamment le cas en France. Soulignons d’ailleurs qu’en France seule l’extrême-droite demande la suppression de l’accès à la nationalité française par le droit du sol, en désignant justement les enfants d’immigrés comme des agents de l’étranger indignes d’être des Français comme les autres. Rappelons, en outre, que la loi tunisienne comme la loi française ne permettent pas à l’un de leurs nationaux de répudier sa nationalité, même s’il le souhaitait.

La Constitution, défigurée par Ben Ali, exigeait que tout candidat à la présidence de la République soit Tunisien de père et de mère depuis trois générations, tout en introduisant dans la loi l’interdiction pour les Tunisiens binationaux d’être membres fondateurs d’un parti politique.
Ces restrictions particulièrement injustifiées en démocratie, dont l’objet non avoué visait sans doute à écarter de la scène politique certains Tunisiens risquant de menacer l’hégémonie de l’ancien dictateur, correspondent en droit à une notion bien précise : la discrimination.
Que dirait-on, au passage, si, dans n’importe quel Etat occidental, certains nationaux voyaient leurs droits restreints en raison de leur nationalité d’origine ou d’une nationalité acquise ou, pire encore, en raison de leur origine, leur religion ou leur couleur de peau ? C’est à juste titre que nous dénoncerions le caractère discriminatoire et raciste de ces mesures. Dans ce cas, comment soutenir que ce qui serait inadmissible d’un côté de la Méditerranée puisse être justifié sur l’autre rive ?

Une force et un atout pour la Tunisie

L’avènement de la démocratie en Tunisie serait-il alors l’occasion pour certains d’accentuer les discriminations touchant une catégorie précise de Tunisiens au lieu de les supprimer ? Un tel scénario déshonorerait la Tunisie qui, de plus, y perdrait beaucoup. Car, l’ère qui s’ouvre avec cette première Révolution du 21ème siècle, donne à la nouvelle Tunisie, notamment grâce au sacrifice de ses martyrs, une occasion historique qu’il faut savoir saisir : celle du refus de toute tentation extrémiste qu’elle soit religieuse, nationaliste ou réactionnaire. En effet, nul n’ignore que le repli des civilisations sur elles-mêmes serait particulièrement délétère, en Occident comme en Orient.
Les Tunisiens binationaux disposent d’ailleurs d’une légitimité de fait pour agir auprès des autres gouvernements dont ils sont les nationaux : en s’investissant dans l’action civique et politique, et en faisant naître entre ces deux mondes des relations bâties sur des bases plus saines.
Nous devons y être attentifs, notamment lorsque nous sommes condamnés à assister au drame de l’immigration clandestine qui voit nombre de nos jeunes fuir leur pays au péril de leur vie en quête d’un avenir en Europe dont rien ne garantit qu’il soit meilleur.
Enfin et surtout, les Tunisiens binationaux, peuvent apporter beaucoup à la Tunisie : tout d’abord en faisant entrer dans notre pays des devises et des investissements dont il a grandement besoin, et ensuite en favorisant une pacification entre le monde arabo-musulman qui se réveille et se cherche et un Occident dont la frilosité inquiète.
Oui, les Tunisiens binationaux représentent bien une force et un atout pour la Tunisie nouvelle. Ils ont des compétences prêtes à se mettre au service de notre pays. Tous les Tunisiens, sans exclusive, veulent participer à la construction et au développement en cours. Avec les mêmes droits et devoirs. Ni plus, ni moins et pour le même objectif : une Tunisie libre, ouverte sur le monde, indépendante et démocratique !

FDTL France


 

2 plusieurs commentaires

  1. LAICITE.
    Qu’en pensez-vous ???

    • Ettakatol est pour une république civile où il y a séparation absolue entre le champ politique et le champ religieux. De plus, Ettakatol pense que l’Etat doit être garant de la liberté de croyance et de culte, mais doit aussi être garant de la neutralité des lieux de culte afin d’éviter l’instrumentation de la politique dans le champ religieux.

      Pourquoi ne pas parler de laïcité dans ce cas, la raison principale est le caractère polysémique de ce mot et dont les définitions font appel à la loi, à l’étymologie mais aussi à l’histoire du pays considéré (le cas typique est la comparaison entre le concept laïc français et celui turc).

      Outre le problème lié à cet aspect polysémique du concept de laïcité, la notion de séparation de l’église et de l’état ne peut pas avoir la même signification qu’en France sachant qu’en Islam, la notion d’Église (institution) n’a aucun sens. Il est intéressant de plus de noter que le mot laïcité n’a pas son équivalent absolu en langue arabe. Le terme est , soit arabisé phonétiquement (Laïkia comme en Turquie), soit il est traduit abusivement par I’Ilmania (de I’llm, science), et prend facilement le sens d’athéisme ou du moins de non-religiosité.

      Au delà des mots, c’est bien la pratique qui est essentielle. Notons à titre d’exemple que le Canada, pays non constitutionnellement Laïc est considéré comme étant meilleur garant de la liberté de conscience et de culte que la France qui a inscrit la laïcité dans sa constitution.

      *Extrait de nos propositions en relation avec le sujet:

      La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la République. La République Tunisienne sépare le champ politique du champ religieux et est ouverte sur les valeurs universelles

      1 Un Etat dont le Régime est républicain et civil fondé sur des Institutions qui reflètent la souveraineté du peuple. L’Etat préserve l’identité du peuple tunisien et garantit la liberté de croyance.

      2 L’identité du peuple tunisien est enracinée dans ses valeurs arabo- musulmanes, et enrichie par ses différentes civilisations ; elle est fondamentalement moderne et ouverte sur les cultures du monde.

      3 L’Etat veille à l’ancrage et au rayonnement de la langue arabe tout en promouvant l’ouverture aux langues étrangères et les diverses cultures et civilisations.

      4 L’Etat veille à la préservation des lieux de culte et en assure la neutralité afin d’éviter l’instrumentalisation de la politique dans le champ religieux et de la religion dans le champ politique.

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