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Après la révolution tunisienne, le temps du partage

Article paru sur LeNouvelObs.com le 20 avril 2011

Par Hakim Bécheur (né en Tunisie et  chef de service dans un hôpital parisien. Secrétaire général du FDTL-France)

Retour à Tunis pour quelques jours de vacances. En plein printemps selon le calendrier. L’autre, le plus enthousiasmant depuis des décennies, commencé le 14 janvier, promettait autant qu’un meilleur avril : ciel dégagé d’un dictateur ignare, idées en fleurs, bourgeonnements démocratiques. Trois mois déjà. Ou seulement. On n’est pas déçu.

Plus de cinquante partis, des associations en veux-tu en voilà, des débats à la télé, à la radio, dans les journaux, dans la rue. 10 millions de commentateurs sportifs transformés d’un coup en autant d’analystes politiques.

« Y a de la joie ! », chanterait Trenet. Et des disputes, bien sûr. Aussi âpres parfois que les rivalités (provisoirement oubliées ?) entre supporters de l’Espérance, du Club Africain ou de l’Etoile. C’est dire ! Mais le titre cette année se décerne le 24 juillet, date de l’élection d’une Assemblée Constituante.

En plein été 2011, la veille de la fête de la République tunisienne (la première du nom), celle-ci devrait renaitre de ses cendres. Sans Bourguiba, « le Combattant Suprême » (du culte de la personnalité) ni Ben Ali, « l’Artisan du Changement » (en Etat mafieux). Plus d’homme providentiel ! Mieux, les listes proposées au suffrage populaire seront élues selon un scrutin proportionnel et paritaire. Avec une alternance obligatoire homme-femme (ou l’inverse).

Sur Facebook, un farceur a résumé la situation : « Désormais, en Tunisie, pour entrer en politique, c’est couple exigé ! ». Ce n’est plus de la joie, c’est de l’amour…révolutionnaire.

Pourtant, le fond de l’air reste un peu frais : quelques barbus incultes ont interrompu un concert dans le sud tunisien, un excité a agressé un cinéaste trop laïc à son (mauvais) goût et l’autre vendredi un autre groupe de barbus a investi l’Avenue Bourguiba pour y prier en public. La Marine aurait été ravie… Le ministère de l’Intérieur a promis qu’il ne se laisserait plus déborder.

Peut-être faudrait-il importer Guéant (à défaut de MAM) ? Mais le pauvre homme est sans doute trop occupé à refouler notre exportation d’immigrés fuyant la misère. Au point qu’il en serait presque venu aux mains avec son collègue italien, l’ineffable Maroni issu de la fort xénophobe Ligue du Nord.

Dans le même temps, tandis que la Tunisie se coltine une situation économique plus que difficile et que la Libye voisine subit une guerre civile, un formidable élan de solidarité à la frontière des deux pays permet d’accueillir à peu près décemment plus de 150.000 réfugiés. Saisissant contraste ! A Tunis, Barroso a promis des subsides européens à la condition que la Tunisie surveille un peu mieux ses frontières. Il n’a pas précisé lesquelles mais tout le monde aura compris que cet homme et l’institution qu’il représente ont le sens du partage.

A ce propos, on sent bien que c’est cette question – celle du partage – qui sera au centre de la prochaine campagne électorale tunisienne. La Révolution de la dignité (le jasmin poussant mal à Sidi Bouzid) est – comme toutes celles qui l’ont précédée ailleurs – politique et sociale. Il va falloir être inventifs et ne pas se contenter d’ânonner une doxa néolibérale, dont les dégâts n’ont pas épargné la Tunisie.

Comme partout, les Cassandre crieront au sacrilège : point de salut en dehors de nos vieilles recettes orthodoxes ! Les agences de notation ont d’ailleurs commencé à sévir : pour fêter la démocratie, elles ont dégradé la note de la Tunisie. Citant Churchill, un de mes brillants amis (et incidemment éphémère ministre tunisien) a pronostiqué « de la peine, des larmes et du sang »… Alors, il n’y aurait pas d’alternative ?

Si : de l’incertitude bien sûr, mais aussi de la joie, de l’amour et du partage… La Révolution, quoi !

 

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  1. Après la révolution tunisienne, le temps du partage | Ettakatol France

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