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Lettre Posthume aux martyrs de la Révolution

par Adel Fekih, Président d’Ettakatol France

Vous nous avez subitement quitté voilà une année environ pour avoir élevé votre voix contre l’oppresseur, la voix de la liberté, de la dignité et du refus de la corruption généralisée.
C’était votre seule arme pour une Tunisie meilleure face aux baïonnettes et au canon.
La balle vous a fauchée et subitement, vous a physiquement éloigné du « monde des vivants ».
L’oeil terrestre s’est éteint mais là où vous êtes, vos âmes apaisées nous  observent et peut être s’interrogent : est-ce que cela a servi ?
Nos vieux sages nous ont enseigné les vertus de la patience et qu’il est bon de laisser le temps au temps.
Mais l’histoire s’est accélérée et ce peuple, à travers sa quête de liberté et de dignité a inspiré la jeunesse du monde entier qui, un peu partout, s’indigne, se mobilise, se bat pour défier la main mise de la minorité sur la majorité.
Et votre exemple constitue « le fer de lance » de ces imprévisibles mouvements de l’histoire qui s’inscriront en lettres d’or dans les écoles, les bibliothèques et les devoirs de mémoire à l’image de nos martyrs tombés sous les balles du colonialisme..
Oui, la peur a changé de camps ce jour du 14 janvier 2001, un peuple rassemblé face au ministère de l’intérieur qui à plein poumon crie « Dégage, Dégage, Dégage », entraînant la fuite désorganisée du dictateur et de ses proches.
Un instant, nous avons cru que la révolution a abouti mais c’était sans oublier l’ancien régime encore en place, assommé quelque peu, mais vite remis en selle pour reprendre le pays en main comme si leur ordre primait encore sur la liberté du peuple.
Nous ne savions pas l’origine des troubles et de l’insécurité qui ont immédiatement suivi la chute du dictateur et qui étaient organisés par des bandes armées fantômes.
C’était sans compter sur la volonté retrouvée du peuple qui, rapidement a mis en place à chaque coin de rue, ses barricades et ses comités de surveillance de quartier dissuadant ainsi toute tentative de reprise en main par les sbires du régime sécuritaire.
Cet échec n’a pas empêché le « régime » de se travestir et de s’investir comme le seul garant de la stabilité et de la continuité, utilisant la constitution du dictateur comme seule légitimité pour survivre en reprenant les rennes du pouvoir.
Mais la vigilance du peuple et le courage de sa jeunesse ont eu le dessus en occupant la Kasbah et en faisant tomber le second gouvernement Ghannouchi.
Depuis le mois de mars dernier,  la Tunisie est ainsi entrée en phase transitionnelle aboutissant à l’organisation d’élections libres et transparentes d’une constituante.
Les tunisiens ont voté massivement, marquant ainsi leur volonté d’être présent sur la scène politique, d’asseoir la souveraineté du peuple et ce malgré quelques défaillances de transparence et de financement préélectorales.
La démocratie a fait ainsi un bout de chemin appréciable mais le chemin est encore long. La démocratie a aussi son prix.
L’impatience du peuple est légitime et, comme vous, il s’interroge encore :
Avance t’on dans la résolution des problèmes pour lesquels vous avez affronté l’oppresseur ?
La réponse est bien complexe et difficile.
Le pays vit une crise socio-économique sans précédent depuis des décennies, les injustices sociales persistent, le chômage s’accroît et certains ne se reconnaissent pas dans les nouveaux dirigeants, pourtant légitimés par les urnes.
Non, la révolution n’a pas engendré cette situation, mais elle a contribué à mettre en avant une réalité cachée pendant trop longtemps, parce qu’elle renvoyait une image de la Tunisie trop difficile à accepter par une certaine « élite » privilégiée.
Par ailleurs, regardez, votre révolution a réveillé les esprits et les consciences sur notre identité si longtemps refoulée.
Elle a permis de dévoiler une Tunisie qui se cherche au travers de ses racines arabo-musulmane, de sa diversité, de ses aspirations modernistes mais aussi de sa jeunesse et de l’ambition de son peuple.
Malgré les forces contre-révolutionnaires encore présentes, nous entrons dans une phase de construction d’une Tunisie nouvelle, réconciliée avec elle même et son histoire, mais qui aspire fortement à la démocratie, seule garante de la confiance si nécessaire à  développement durable et équitable.
Cette étape nécessite, à notre sens la convergence des acteurs politiques vers un projet commun qui puisse garantir que tous les Tunisiens se retrouvent dans leur pays, qu’ils ne se sentent plus menacés à cause de leurs croyances, de leur idées ou de leurs appartenance à une classe sociale déterminée.
Ecoutez ces multiples voix qui vous disent que la réussite de cet immense projet, nous le réussirons coûte que coûte et que votre ultime combat a servi, non seulement à libérer un peuple, mais à asseoir aussi un modèle pour le monde Arabe et peut être pour le monde entier.

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