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Hella Ben Youssef : « La Colibe vient à point nommé pour lever les obstacles interprétatifs »

La vice-présidente du parti politique Ettakatol et de l’Internationale socialiste des femmes, détaille le travail entrepris par la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe).  

Quel a été le rôle de la commission Colibe ? La Constitution de 1959 avait permis une avancée considérable en matière de reconnaissance des droits des femmes par la confirmation du code du statut personnel de 1956. Avec le temps, de nouvelles aspirations ont trouvé leurs traductions législatives, avec le droit de vote et d’éligibilité ou le droit à l’avortement (légal depuis 1973 en Tunisie, depuis 1975 en France, ndlr). La Constitution de la Deuxième République consacre l’égalité entre les hommes et les femmes. Bien entendu, les compromis ayant été difficiles, elle comporte quelques ambiguïtés et difficultés d’interprétation pour le législateur. Le travail entrepris par la commission Colibe vient à point nommé pour lever les obstacles interprétatifs, mais aussi la portée effective des droits individuels. Plus concrètement, que propose-t-elle ? La Colibe propose d’insérer ces principes dans une loi organique ou d’amender des articles, afin de les rendre conformes à la nouvelle Constitution. Le rapport de juin passe en revue ce que les juristes appellent “les zones grises” : les aspects les plus équivoques et problématiques, voire controversés, comme la peine de mort, l’incitation au suicide, le droit des personnes en danger, le devoir de secours et l’égalité dans l’héritage. Si ce rapport a le mérite d’exister par les avancées qu’il suggère, permet-il, pour autant de faire disparaître les “ambivalences” propres à certaines formulations juridiques ? Que dire “du droit égal à l’héritage” ? La commission laisse la porte ouverte aux options les plus antagoniques. Le législateur est ainsi libre d’accepter ou de refuser, en conscience, le principe d’égalité hommes-femmes. Quel pourrait être l’avenir de ce rapport ? Il pourrait se transformer en lois, qui viendraient renforcer les droits des citoyens et singulièrement ceux des femmes dans toute leur plénitude ! Il pourrait aussi devenir une loi alibi, avec quelques articles consensuels, ou bien encore finir aux oubliettes, relégué aux archives nationales ! C’est une question pour l’instant sans réponse, car il est peu probable que le Gouvernement ou même une fraction de députés veuille s’emparer de ce sujet et le proposer sous la forme d’un projet de loi. Certains, et ils seront nombreux, se donneront bonne conscience de l’enterrer, en arguant que le contexte politique ne s’y prête pas, tant les préoccupations de nos concitoyens sont ailleurs ou parce que le Président voudrait en faire usage à des fins électorales. Il n’en demeure pas moins qu’il nous convient, à nous, femmes et hommes qui aspirons à une société authentiquement démocratique. Je convie donc celles et ceux qui sont épris de liberté, à multiplier les actions de sensibilisation sous toutes les formes.  

Article paru sur le courrier de l’atlas 

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