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Où en est la gauche? Radiographie d’un camp qui se divise | Mon intervention au #CamPuS2019

Amis et camarades C’est avec un immense plaisir et une émotion certaine que je prends la parole pour vous adresser les salutations fraternelles des Tunisiennes et des Tunisiens, qui ont réussi à faire passer notre pays de l’ombre du népotisme à la lumière de la démocratie.Je remercie à cet égard la direction du Parti socialiste de m’avoir invitée et de me donner ainsi l’occasion de partager avec vous quelques unes de nos préoccupations communes : les flux migratoires, la stabilité régionale et le co-développement, ainsi que la Méditerranée.Si le dicton dit « Impossible n’est pas français », il faut désormais dire aussi « Impossible n’est pas tunisien ». 8 ans déjà que la « Révolution de la dignité » a eu lieu. 8 ans d’une construction difficile parfois chaotique dans un environnement complexe, pour ne pas dire hostile.Nous ne sommes pas au bout de nos peines mais le processus de démocratisation est bien engagé et irréversible.Nous appartenons à un même espace géographique qui, depuis des siècles, a façonné nos relations de voisinage tant au plan économique, qu’humain ou encore culturel. Je n’en referais pas l’histoire, c’est bien trop complexe. J’aimerai juste dire qu’au-delà même de cette histoire souvent tragique, parfois heureuse, nous nous devons de rechercher un nouveau devenir commun.L’idée n’est pas nouvelle. Nous fêterons, l’année prochaine, le 25e anniversaire de la déclaration de Barcelone. Ce partenariat est malheureusement resté inachevé.Ses initiatives n’ont pas résisté à la crise financière et économique qui s’est propagée à l’ensemble des pays entraînant généralisation des politiques d’austérité et abandon de tous les projets préalablement identifiés. Seul le processus 5+5 réunissant les pays de la Méditerranée occidentale et les principaux Etats européens du Sud a résisté et offre encore un espace de dialogue mais sans véritables moyens ni outils de coopération.En Janvier 2014 est finalement adoptée une nouvelle constitution en Tunisie, après de 3 années de négociations et de compromis. 3 ans de lutte contre l’obscurantisme religieux et les divers conservatismes.Mais à vrai dire et pour reprendre la célèbre phrase de Gramsci “Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres”.En effet le pays connaît un retour flagrant de l’ancien système conjugué à une crise économique et sociale. Du coup l’investissement privé s’est effondré entraînant dans son sillage une forte inflation, une montée du chômage et dans la foulée une dépréciation considérable de la monnaie nationale.Mais nous sommes fiers de la tenue, pour la première fois, d’élections municipales sous l’égide de la nouvelle loi sur la décentralisation, acquise suite à la Constitution de 2014.Notre parti a œuvré et continuera à croire que le rassemblement de toutes les forces progressistes est la solution. Certes, la tâche difficile et complexe et se heurte à de multiples obstacles hérités du régime déchu.25 ans de dépolitisation et d’absence d’expression démocratique n’est pas sans conséquences. D’un parti unique, le pays connaît aujourd’hui près de 208 formations politiques. Malheureusement nous ne comptons qu’une quarantaine de partis qui ont tenu leur congrès et ont des structures régionales réglementaires. Une nouvelle législature de 5 ans s’ouvre en cette fin d’année.Aux élections présidentielles devraient se présenter pas moins de 26 candidats. Notre parti Ettakatol lui-même présente un candidat à la présidentielle et de nombreuses listes aux élections législatives. Notre candidat Elyes Fakhfakh, ancien ministère de l’Economie, est mis en avant et perçu comme le seul représentant de la social démocratie. Je me présente moi-même dans la circonscription France Nord, pour représenter les Tunisiens résidant à l’étranger.Cela étant nous ne renonçons pas à construire un bloc plus homogène afin de consolider et d’étendre les libertés si difficilement arrachées d’une part, et de réunir les forces politiques progressistes autour d’un programme de relance et de redressement économique et social.Mais nous sommes conscients qu’il va falloir en France, en Europe, en Tunisie et dans beaucoup d’autres pays dans le monde, (hélas aujourd’hui minoritaires et dans l’opposition), que nous devons reprendre notre place de porteurs de progrès social dans le monde et y passer à la loupe les transform° qui nous ont conduits aux crises actuelles de notre socièté. le socialisme raisonne en 2019 en parallèle avec la capitulation, le renoncement, face aux grands défis du 21ème siècle. Nous sommes associés à la privatisation, à la dérégulation, à la réduction des budgets de l’État, si ce n’est au statu quo. Ce qui pour un social-démocrate est certainement encore pire.Nous devons, chers amis, chers camarades, donc repenser une alternative face aux politiques matérialistes et ultra-libérales. Sans oublier, l’inclusion des jeunes dans les hauts niveaux de décisions.Nous devons repenser la collaboration scientifiques et commerciales avec les pays de l’EuroMed d’égal à égal avec les partenaires historiques.Je souhaiterais que nous puissions plus longuement parler de ces questions en prenant bien soin d’éviter les stéréotypes, car derrière des formules telles que “l’invasion islamique” ou bien encore la théorie du “grand remplacement”, il y a des hommes et des femmes d’Etats-nation très différents aux habitudes et aux cultures très diverses et qui ne recherchent qu’à vivre dignement.Je me tiens à votre disposition, avec mon parti et d’autres forces vives de Tunisie, pour toute initiative qui permettrait de mieux éclairer nos opinions sur ces réalités.Je voudrais aborder brièvement un sujet qui me tient particulièrement à cœur, c’est celui de la question économique, de la coopération et des échanges. Une question d’actualité brûlante pour mon pays qui entame un processus de transition démocratique et qui voit son développement économique empêché par toute une série de contraintes et d’obligations, dont l’ALECA qui pose bien des problèmes. Alors même que le modèle du « miracle économique tunisien » ne cesse d’agoniser, l’Union Européenne propose de prolonger l’accord d’association par un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) qui couvrirait désormais l’ensemble des activités de biens comme de services. Une fuite en avant incluant l’agriculture et l’ensemble des activités de services y compris l’accès aux marchés publics !En conclusion, les négociations que mène l’Europe en Tunisie répondent à deux de ses obsessions : rester l’acteur majeur du commerce international et contrôler les personnes qui peuvent accéder à son territoire.Nous proposerons quelques pistes sur l’immigration et la coopération économique que nous pourrions développer plus tard.Nous socio-démocrates, nous devons réfléchir à notre avenir, pour une société d’égalité, d’équité et de justice. Pour une démocratie plus vivante en se basant sur la « vitalité » électorale qui est l’un des systèmes fondamental, d’une sécurité sociale solide, d’une politique industrielle pérenne et d’une politique publique qui réponds aux attentes d’une société assoiffée de justice, d’un état de droit, d’égalité de parité et aussi des libertés individuelles et de libertés d’expression, de lutte contre la corruption et d’un espace plus large pour la jeunesse et pour les droits des minorités.Nous devons donc avoir une vision réaliste de notre société et affronter les vraies difficultés pour arrêter le dysfonctionnement démocratique et social.La gauche arabe n’est pas née de la dernière pluie. C’était même une force impactante dans les années 50 à 80, remontant à la période coloniale, quand les peuples arabes revendiquaient leur droit à disposer d’eux-mêmes. Mais elle n’a jamais dépassé la sphère intellectuelle pour toucher durablement les classes ouvrières et populaires, la paysannerie et les classes moyennes formée des employés. Aujourd’hui, on le constate en Tunisie, au Maghreb et plus généralement dans le Monde arabe, cette gauche est peu influente, voire inexistante. S’étant fourvoyée avec les régimes autoritaires en place, son évolution est marquée de crises à répétition et pour échapper à sa marginalisation elle s’investit dans les ONG et la société civile bourgeonnante depuis 2011. Nous vivons dans l’instabilité de la période de transition et de la crise économique qui sont un terrain propice à la violence sous toutes les coutures et ne permet pas une certaine sérénité nécessaire à la compréhension et à l’acceptation des réformes. Réformes nécessaires qui répondent à l’application directe de la nouvelle constitution et au nouveau mode de vie de la pop° de plus de 50% de femmes et 70% de nvx inscrits aux prochaines élections législatives âgés entre 18-25 (génération post-Révolution)Les pays concernés sont ceux où il y a eu des mouvements liés au Printemps arabe. La gauche dans ces pays là est différente. Dans les pays autoritaires, l’Égypte et Syrie surtout elle essayent d’exister, malgré les fortes pressions exercées et j’inclurai même le Bahreïn dans ce groupe.Au Maroc et au Liban, elle est divisée et reste dans la continuité classique des mouvements, même si on sent un frémissement suite aux révolutions arabes. Deux des pays arabes ont une structure ethnique ou la gauche est aussi regroupée en sous groupes basés sur l’appartenance (Irak et Liban)En Libye et Soudan il n’y a pas encore de politique car on est en pleine transition ; et concernant la Tunisie, il est primordial que nos voisins puissent se stabiliser l’impact est direct sur notre politique. La Jordanie aussi est dans ce casReste le cas de l’Algérie où demeure la grande question de son avenir politique… on ne saurait pas anticiper ce qui arrivera!La Palestine ce n’est même pas une tendance politique qui lutte pour exister… mais tout un peuple qui lutte pour exister face à une occupation soutenue par les plus grandes puissances mondiales.Mais on y voit quand même un progrès au niveau des jeunes générations issues de la gauche qui continuent la lutte en allant dans le sens du progrès, malgré les terribles conditions de l’occupation. Je vous invite par ailleurs à lire les derniers communiqués de l’is suite à la réunion du Conseil qui s’est tenu fin juillet à Ramallah et à Tel Aviv et où le PS était présentEt enfin la Tunisie : paysage en reconstruction continue, il ne s’est pas encore vraiment formé, la gauche est divisée et n’arrive pas à s’unir et la plupart des mouvements de la famille voient les autres comme les principaux concurrents à faire disparaître et non comme des partis amis avec qui construire. Le paysage continuera à se former… et on ne saurait pas dire ce que ça donnera …Ce qui est certain, en revanche, est que ca donnera quelque chose d’intéressant dans la lignée du processus tunisien … qui pourrait certainement une fois formé éclairer la voie aux autres mouvements de gauche dans les pays arabes… Ce n’est certainement pas pour tout de suite … mais ça viendraLe rôle de la famille socialiste mondiale est de soutenir et d’être là d’accompagner avec bienveillance et d’impliquer ces mouvements, peu importe leur situation dans leur pays, sans ingérence, même dans les pires moments… sinon, les mouvements sociaux et démocrates arabes les plus importants mourront. Dans ce cas, il faudra beaucoup plus de temps pour les repartir à zéro car il n’y aurait eu aucune continuité.La mondialisation a mis à mal le concept d’Etat-nation westphalien et que le présent se construit aujourd’hui avec des blocs et des approches transnationales. Nous devons continuer d’agir, comme nous le faisons aujourd’hui, de façon mutuelle, en adéquation avec nos principes universalistes d’ailleurs. Non pas pour coordonner nos ambitions à l’échelle nationale, mais pour agir, précisément, pour renforcer ces blocs dans lesquels nous devons être actifs et influents. Les blocs sont les leviers de la sociale démocratie d’aujourd’hui, comme l’Etat-nation le fut il y a un siècleSans oublier le rôle de l’Internationale socialiste des Femmes qui celui de continuer à Promouvoir la participation et la représentation politiques et économiques effectives des femmes sur la base de l’égalité aux niveaux décisionnels. Il faut le dire nous avons trop souvent ignorer les difficultés sociétales dans nos pays respectifs. Une politique de partenariat n’a jamais été prise au sérieux depuis des années ; premier indicateur : le populisme ! signe de notre échec en tant que parti social-démocrates dans les dernières élections.Je vous remercie de m’avoir donné autant de temps de parole, j’aurais encore beaucoup à dire notamment sur l’engagement des femmes tant dans la société civile que dans la sphère politique.Il nous faut mener une vaste opération de sensibilisation des opinions. Nous y sommes prêts! Mais nous avons aussi besoin de votre soutien actif et de votre concours indispensable, car il y va d’un intérêt commun.J’entends par là, le déploiement de nouvelles relations culturelles dans les domaines de l’éducation et du soutien à l’école publique, le renforcement des échanges académiques tant en direction des enseignants chercheurs que des jeunes doctorants ou en quête d’une formation professionnelle qualifiante.En finissant mon intervention, je voudrais vous faire part d’un léger regret mêlé d’un espoir. Celui de constater une présence bien trop timide du Parti socialiste et de ses organes affiliés dans le bouillonnement culturel et politique en Tunisie. Toutes les grandes fondations européennes et ONG internationales sont présentes et très actives. Ne citons que les plus importantes d’entre elles: Konrad Adenauer (CDU), Friedrich Ebert Stiftung (SPD), Friedrich Naumann (FDP), et même Rosa Luxembourg (Die Linke). Seule la fondation Gabriel Péri est présente, côté français. Nous souhaiterions que la Fondation Jean Jaurès si proche de nos préoccupations communes accompagne cette transition vers la démocratie, vers l’égal liberté des citoyens et citoyennes.Et comme le disait si justement Jean Jaurès : « Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience ».

Au nom de mes camarades et de la direction du Parti Ettakatol, je vous invite à venir en Tunisie !

Œuvrons pour le rapprochement de nos deux peuples.

Vive l’amitié entre nos partis socialistes
Merci de votre attention.

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