Par Fatma Dellagi Bouvet de la Maisonneuve
Les plus jeunes ne s’en souviennent peut-être pas. Mais je voudrais rappeler ici que la Tunisie a déjà vécu dans un climat de terreur dans les années 80, semé par ces mêmes Islamistes. Il sévissait essentiellement dans les universités, à l’époque. Ce qui nous a valu d’ailleurs différents affrontements. La scénarisation relevait des méthodes que nous observons aujourd’hui, puisque mises en scène par les mêmes personnes ou tout du moins par ceux qui se réclament précisément de cette filiation. La terreur s’était même, comme actuellement, transformée en actes criminels puisque des activistes islamistes vitriolaient des visages de femmes dans les rues des villes de Tunisie. Aujourd’hui, en pleine campagne électorale, nous sommes abasourdis par la violence des réactions dimanche 9 octobre, dernier, à la suite de la diffusion du film iranien de Marjane Satrapi dans lequel une petite fille se représentait Dieu. Se rajoute à cela les nouvelles d’un affrontement inter confessionnel au Caire entre Coptes et radicalistes islamistes. Ces derniers auraient mis le feu à une église copte. Ils sont pourtant tous égyptiens. Comme nous sommes pourtant tous Tunisiens.
Comment expliquer qu’au lendemain de ces deux révolutions qui n’ont fait appel à aucune dimension religieuse, la récupération par les radicalistes ait été si rapide ?
Quelle est cette vision de la religion que souhaitent imposer ces extrémistes ?
Nous ne l’avons jamais connue dans nos pays et le peuple tunisien n’adhère pas au Wahabisme liberticide. Point. Quelle est cette vision de la religion qui impose de transformer des salles de cours en salles de prières dans les Universités, lieu de connaissance et de savoir ? Quelle est cette vision de la religion qui, ostensiblement, affiche de l’irrespect face aux enseignants ? Quelle est celle vision de la religion qui censure jusqu’à l’imaginaire des enfants, car quel enfant ne s’est jamais représenté Dieu ?
Il faut reconnaître, et avec gravité, que la tension monte de jour en jour et que le processus de terrorisme intellectuel est hélas déjà bien en place. Alors que les urgences étaient ailleurs, ils ont commencé par fixer le thème de campagne : l’identité nationale et la religion. Ils ont par la suite ouvertement pratiqué le clientélisme, puis distillé des rumeurs d’alliances afin de semer la confusion au sein du camp des progressistes. Mais comme cela n’a pas abouti, ils passent désormais aux actes criminels.
Aujourd‘hui c’en est assez. Nous voulons ici affirmer notre soutien aux artistes et créateurs de tout bord que nous avons la grande satisfaction de voir émerger de jour en jour dans notre nouvelle Tunisie libre. Et nous leur disons, n’ayez crainte.
La Tunisie saura lutter contre cet obscurantisme funeste. Nous saurons préserver la séparation du politique et de la religion pour éviter toute instrumentalisation de celle-ci. Nous défendrons la liberté de conscience. Nous nous battrons pour la liberté de la presse et d’opinion, et contre la censure sous quelque forme qu’elle soit. Il y va de l’avenir de notre démocratie. Il y va de nos échanges avec le reste du monde. Il y va de notre développement et de notre progrès. Car oui, les droits fondamentaux et les libertés fondamentales sont bien le socle indéniable de notre progrès économique et social.