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Mustapha Ben Jaafar pousse ses pions

Article publié le 22/06/2011 dans Kapitalis.com

Théâtre de plein air de Bir Tarraz (Radès dans la banlieue sud de Tunis), samedi 18 juin en fin d’après midi. Il y a du monde au meeting d’Ettakattol présidé par Mustapha Ben Jaâfar. Par Zohra Abid

Le numéro 1 du Forum démocratique pour le travail et les libertés (Fdtl) n’était pas, ce jour-là, dans son fief. C’est tout comme! Le Marsois était presque chez lui. Pour l’homme, le coup d’envoi officiel de la campagne n’a pas encore été donné et il faut respecter la loi. Pas la peine de brûler les étapes. L’homme sait aussi qu’à Rades, il a de vieilles connaissances, qui croient en lui, en son combat, en ses idées, et il peut compter sur ses amis pour récolter un maximum de voix et avoir la ville de son côté. Des retrouvailles, des accolades, des causeries…

Ça sentait bon le jasmin
A l’entrée, un bouquet de jasmin offert aux dames. Les dames seulement. Le jasmin, symbole de la ville, est aussi l’emblème de la révolution tunisienne. A gauche, sous un parasol géant, on a posé une pile de dépliants. Des jeunes et moins jeunes militants ont enfilé des tee-shirts noirs frappés du slogan «Mettakattel…in» (ensemble et soudés). Les chaises étaient pratiquement toutes occupées. Les gradins, en revanche, sont clairsemés.

Prévu à 18 heures, le meeting n’a commencé que beaucoup plus tard. Mustapha Ben Jaâfar, égal à lui-même, a horreur de se précipiter. Il prend tout son temps. C’est son tempérament. L’essentiel pour lui, c’est  d’arriver à temps. Aussi, avant de prendre place au premier rang, l’homme a-t-il déjà accordé une somme d’interviews aux confrères présents.

Au programme du jour: du chant et de la musique patriotique. Ensuite, les discours traditionnels avant que la star du jour ne monte à la tribune. Au micro, Ahmed Abdellatif, enfant de Radès, est le premier à prendre la parole. Il dit qu’avant le 14 janvier, il ignorait tout de la politique. Il ne savait pas que la pauvreté dans le pays touchait des parties entières de la population et que le quart du peuple vit sous le seuil de la pauvreté. «Je suis désolé de n’avoir pas été au moment qu’il faut pour mener le combat aux côtés des jeunes du bassin minier de Gafsa et de Redeyef qui ont souffert pendant six mois en 2008», raconte Ahmed Abdellatif.

Monsieur Propre II !
Et d’ajouter: «Tout cela m’a interpellé après la chute de Ben Ali. Mais auparavant, les élections de 2009 m’ont confirmé que Ben Ali ne convenait plus au pays. Il y avait un tel décalage entre lui et le peuple. En décembre dernier, après la mort de Bouazizi, comme tous les jeunes, je me suis déchaîné sur Facebook»… C’est ainsi qu’Ahmed a fait son entrée en politique.

«J’ai ensuite participé à Kasbah I puis à Kasbah II. Parmi les 80 partis, j’ai choisi Ettakattol. Vous me dites pourquoi? Ma réponse est que j’ai senti que seul ce parti pourrait faire avancer la Tunisie. C’est un parti tenu par des gens propres», a-t-il expliqué.
Au milieu de la foule, Khaled Sghaier a expliqué les raisons qui l’ont poussé à changer, il y a un mois, de parti. «J’étais avec le Pdp. Tellement je croyais à Maya Jeribi, une brave fille de Radès que j’ai suivi son mouvement. En côtoyant de près les membres de ce parti, j’ai été déçu. Plus déçu lorsque j’ai croisé, dans un restaurant à Gammarth, l’un de ses dirigeants. Son comportement ce soir-là m’a incité à m’en détacher définitivement». Khaled affirme aussi que le peuple ne peut plus supporter un autre dictateur. «L’essentiel pour moi est que le parti qui va tenir le pays soit propre», précise l’étudiant en énergétique à Nabeul.

Le discours du docteur Haykal Ben Amor, président d’Ettakattol à Radès, s’est attardé sur le militantisme de quelques illustres personnalités de la ville. «Radès a toujours été le fief des militants. Je cite, en passant, Farhat Hached, Mohamed Chenik, Abdallah Farhat, Mustapha Filali, Ahmed Mestiri… J’appelle tous les habitants du gouvernorat de Ben Arous à mettre la main dans la main pour reconstruire le pays sur des bases solides, et d’opter pour notre parti», a-t-il lancé.
Tayeb Aâkili a affirmé, pour sa part, qu’il a adopté ce parti pour une raison précise: «ses dirigeants n’ont pas serré la main à Ben Ali et à ses proches collaborateurs. La politique c’est aussi une morale et l’argent de la politique doit être moralisé».

La révolution n’est qu’une parenthèse
Pour rafraîchir les mémoires, M. Ben Jaâfar a fait un petit rappel historique avant de parler de l’avenir. «Le Fdtl a 17 ans. Notre mouvement a été constitué par des démocrates, universitaires, défenseurs des droits de l’homme, syndicalistes… Nous avons beaucoup enduré sous l’ancien régime», a-t-il déclaré. Et d’enchaîner, sur une note ferme et claire, qu’il était temps d’assainir le climat politique, de réviser les textes législatifs longtemps «tripotés» et taillés sur mesure par Ben Ali…
«C’est un bonheur de voter dans un climat de liberté, de rééquilibrer les pouvoirs, de respecter les droits de l’homme, de garder intact le statut de la femme. Mieux encore: d’avancer. Pour ce, des jeunes ont donné leur vie, c’est de leur sang que nous avons déboulonné l’indéboulonnable. Le chemin vers la démocratie n’est pas court ni facile». Et de rappeler que le peuple doit encore résister et que Ben Ali n’est pas totalement parti. «La révolution n’est qu’une parenthèse. Pour le moment, on subit encore le benalisme sans ben Ali», a-t-il insisté.

Concernant les élections, M. Ben Jaâfar a exprimé son soulagement lorsque les élections de la constituante ont été reportées. «Heureusement! Sinon les élections allaient être bâclées. Il faut avancer sur un terrain solide. L’essentiel est de remettre sur pieds les valeurs de justice, d’équité sociale, d’enseignement, de santé, d’emploi, d’économie… Ben Ali, malheureusement, a touché à tout, mais à sa manière. Tout était faux, tout était contre la dignité, tout était à son profit».
Selon l’orateur, il ne faut pas tourner la page du passé sans qu’il n’y ait des procès. «Attention. Pas de réconciliation nationale sans sanction. Nous ne pourrons pas construire la Tunisie sur des fondements fragiles. Ainsi, la première tempête emporterait le pays et le conduirait vers l’abîme», avertit Ben Jaafar.

Dis-moi qui tu es ?
«Nous luttons pour la paix. Nous sommes Musulmans, Arabes, Maghrébins, Méditerranéens. Nous étions Puniques, Carthaginois… Notre pays ne peut être ni d’extrême gauche ni d’extrême droite. Notre feuille de route est claire». Et de souligner la nécessité de respecter les droits de l’homme, dévoyés sous l’ancien régime : «Sur le dos, nous portons la responsabilité de ceux qui ont souffert dans les prisons, de ceux qui sont morts pendant la révolution. Nous devons être à la hauteur de leur sacrifice. Nous n’avons pas le droit de les décevoir, de trahir leur mémoire». Et le programme, où en êtes-vous?  «Nous sommes en train de le faire cuire à feu doux. Nous ne sommes pas pressés. Nous sommes en train de passer d’un parti d’opposition à un parti de proposition. Et nous nous préparons aussi à gouverner. Venez nombreux pour voter Ettakattol, mais venez nombreux surtout pour voter. Nous nous soumettrons, pour notre part, aux résultats des urnes». Car, selon M. Ben Jaâfar, c’est déjà une grande chance de pouvoir voter.
Evoquant, à la fin de son meeting, le gouvernement de transition, qu’il a qualifié de «fragile», le chef du Fdtl a déploré que certains partis aient essayé de profiter de cette situation pour pousser leur avantage. «Il est temps que nos médias soient à la hauteur de l’événement pour donner une égalité des chances à tous les partis, pour que les élections se déroulent dans un climat propre, un climat sécurisé et que le 23 octobre soit un jour de fête», a-t-il conclu.

 

 


4 plusieurs commentaires

  1. ya takattol yilzimkoum tal3bou dawrkoum al 7aqiqi yilzimkoum tèqfou m3a icha3b fi wajh a3dèè tounis wil islèm; mouch tsèyrouhoum fi af3alhoum…….. w min ba3d tilhèw fi hamlitkoum lintikhabiyya

  2. Merci Chaouki pour votre interpellation,
    Nous croyons comme vous que notre place est à coté du peuple. Le peuple nous demande de façon urgente de résoudre un certain nombre de problèmes parmi lesquelles le chômage et la précarité qui touchent 40% des actifs ou âge de l’être. Nous croyons que l’identité tunisienne n’est nullement menacée puisque l’extrême majorité des tunisiens sont attachés à leurs racines tout en étant tournés vers le progrès. Tout le travail sérieux mené au sein d’Ettakatol est effectué en fidélité aux objectifs de la révolution de la dignité et de ses martyrs.
    Nous restons fidèle au peuple tunisien et nous faisons le pari sur son intelligence et sa lecture pertinente de la situation actuelle.

  3. Prière vous êtes notre dernier espoir.
    de plus en plus de jeunes de mon entourage se tourne vers « ettakattol » alors ne faite pas de faux pas et travaillez sur le long terme. il faut gagner la confiance du peuple.

    • Hadi,
      Ettakatol croit vraiment en une Tunisie prospère, démocratique, plurielle et pluraliste. Il place son action uniquement dans cette optique. Nous refusons tout discours démagogique car notre pari n’est pas seulement pour le 23 Octobre mais pour la réussite de notre Tunisie de demain, solidaire et ouverte sur le monde.

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