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Débat Ettakatol et le PDP organisé par Les cahiers de la liberté: Compte rendu et vidéos

L’association « Les Cahiers de la Liberté » a organisé le 29 juin 2011 son deuxième débat autour de la constituante avec la participation de Adnen Ben Youssef pour le PDP et de Selim Ben Abdesslam pour Ettakatol. Nadia Ayadi, blogueuse tunisienne, que beaucoup connaissent sous son pseudonyme Twitter Naddo_O a publié un compte rendu de ce débat et nous a gentiment autorisé à reprendre son contenu que nous accompagnons ici avec les vidéos de la réunion. Le débat s’est déroulé en 2 parties, dans la première l’Association a posé un ensemble de questions aux 2 intervenants et la 2ème partie était consacrée aux questions du public.

Compte-Rendu du Débat sur la Constituante entre le PDP et le FDTL organisé par Cahiers de la Liberté
Ce qui suit est un compte-rendu du débat entre Adnane Ben Youssef (représentant du Parti Démocrate Progressiste [PDP]) et Selim Ben Abdesselem (représentant du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés [FDTL]) organisé par l’association Les Cahiers de la Liberté sur le thème des priorités pour la constituante.
Ce débat a eu lieu mercredi 29 juin 2011 à la Maison des Association à Paris 15e, et ce compte-rendu est basé sur les notes que j’ai prises moi-même pendant le débat.

Présentation des participants et de leurs partis
Selim Ben Abdesselem (FDTL) 40 ans, franco-tunisien, ancien avocat.
Le représentant FDTL donne un aperçu sur l’historique de son parti, très centré sur la personnalité de Mustapha Ben Jaafar dont il considère que le parcours a défini le parcours du parti.
Il met en évidence les positions du FDTL après le 14 janvier, notamment son refus de se joindre au gouvernement Ghannouchi 1 à cause de la forte présence de membres du RCD et d’un ancien premier ministre du régime de Ben Ali, et son soutien à la HIRP et à la l’ISIE.
Adnane Ben Youssed (PDP), franco-tunisien, militant depuis plus de 10ans pour les DH, les droits des associations, de l’immigration et pour des assocations de soutien pour les causes palestinienne et algérienne.
Le représentant PDP présente l’historique de son parti dont les origines remontent au début des années 80. Il met en évidence l’évolution du PDP vers une nouvelle approche centrée sur les questions politiques et sociales pour dépasser le simple cadre des combats idéologiques, et sur une transition démocratique (notamment son adhésion à la plateforme du 18 octobre). Il défend le choix du PDP via Ahmed Néjib Chebbi de rejoindre le gouvernement Ghannouchi 1 pour donner la priorité à l’intérêt du pays dans un contexte difficile plutôt qu’à l’intérêt du parti qui n’en n’avait pas besoin selon lui.

Question 1 : Position des partis représentés concernant la loi sur le financement des partis en discussion au sein de la HIRP

[FDTL] Selim Ben Abdesselem donne l’exemple de l’Italie où l’absence de limitation a conduit à des dérives qui ont permis à l’ «achat » du pays. Aux USA, le système favorise la puissance des lobbies qui financent les candidats pour après en obtenir des avantages et en tirer un grand pouvoir sur la politique du pays. En France il existe des limitations claires, notamment un plafond pour les campagnes électorales, une limite pour les financements privés, etc. qui permettent de garantir une certaine équité. Il considère qu’observer ce qui se passe dans ces pays et d’autres permet de connaître les erreurs qui ne doivent pas être faites en Tunisie. Il est donc absolument nécessaire de revoir la loi existante qui date du temps de la dictature et qui comporte beaucoup d’aberrations (il donne l’exemple des visas pour les partis et les associations qui doivent selon lui pouvoir se créer sans autorisation du gouvernement).
Il faut résoudre la question du financement pour ne pas donner aux partis les plus riches une plus grande chance sur la scène politique. Le FDTL considère que cette question est centrale et légitime et aurait même dû être réglée plus tôt car chaque jour qui passe sans cette loi est un jour de plus donné à certains partis qui n’en veulent pas.
Pour répondre aux critiques de certains qui considèrent que la HIRP n’a pas à jouer le rôle de législateur sur cette question, il dit que ceux qui font cette critique aujourd’hui avaient accepté le principe d’en faire partie et donné leur accord sur la loi électorale auparavant et que leurs réserves n’apparaissent que lorsque le texte en question aujourd’hui les dérange.
Le FDTL souhaite voir apparaître dans cette loi une interdiction de financement de la part des personnes morales et de financement venant de l’étranger, et la définition de limites pour le financement de la part des personnes physiques.
[PDP] Adnane Ben Youssef dit que le PDP est d’accord sur certains points (Interdiction du financement de l’étranger et plafonnement pour les campagnes électorales). Cependant, il y a un désaccord concernant le fait d’imposer des limites aux partis aujourd’hui. Il considère qu’en cette période très particulière, les tunisiens devraient avoir la possibilité d’aider à faire émerger des partis politiques. Il s’agit d’une phase de construction où les partis ne sont pas encore à un stade qui permet de leur imposer des restrictions fortes comme il en existe dans d’autres pays.
Cependant, il précise que le PDP s’impose des règles très strictes en interne. Il limite le financement à l’utilisation de chèques pour que les comptes soient vérifiables, il y a une limitation imposée aux dons (ne doivent pas dépasser 5% du budget que le parti se fixe. A la question « De combien est ce budget ? », le représentant du PDP n’est pas en mesure de répondre), et un contrôleur fiscal indépendant vérifie les registres du parti.

[FDTL] Selim Ben ABdesselem reprend la parole pour préciser que le commissaire aux comptes effectue son contrôle aujourd’hui par rapport à la loi existante, or cette loi doit justement être revue. Il ne trouve pas d’obstacle à la construction et l’émergence des partis tout en imposant des limites saines à leur financement.

[PDP] Adnane Ben Youssef répond que la période actuelle est une phase de construction et d’installation de la vie politique, qu’il est nécessaire de faire connaître les partis pendant cette période de transition, mais que le PDP déclarera ses financements en toute transparence.

Question 2 : Quelles sont les priorités pour les élections de l’Assemblée Constituante ? La campagne sera-telle axée sur un programme pour la constitution ou pour le gouvernement ?

[PDP] Pour le PDP, les deux sont importants. Concernant le gouvernement, il s’agit de donner une marge de manœuvre pour entamer des réformes de façon légitime par un gouvernement représentatif des forces politiques. Il considère que c’est une urgence pour le pays et rappelle que le PDP n’était pas particulièrement pour commencer par des élections d’une AC pour cette raison (urgence d’avoir un gouvernement légitime) mais qu’il s’en accomode aujourd’hui en incluant cette préoccupation dans sa campagne.

[FDTL] Pour le FDTL, une nouvelle constitution est une question très importante. Cependant, il y a des problèmes socio-économiques urgents, la misère dans les régions et une crise réelle qui est au centre des préoccupations des tunisiens qui ne peuvent être mises de côté pour un temps. Un gouvernement d’union nationale (sous réserve que tout le monde accepte d’y aller) ou un gouvernement technique, supervisé par l’Assemblée Constituante, peut commencer à répondre à ces préoccupations.

Question 3 : Quelle est la position des partis représentés concernant la question des coalitions ?

[FDTL] Il est vrai que le nombre important de partis ne favorise pas la visibilité. Si le FDTL envisage d’entrer dans une coalition, il faut qu’il y ait une cohérence au sein de cette coalition avec le positionnement du FDTL (centre gauche, éconimie de marché avec forte composante sociale, etc.).
Il y a des discussions en cours, parfois simplement pour échanger des idées, mais il n’y a pas d’alliance réellement envisagée aujourd’hui. Le FDTL considère que des alliances peuvent se faire par la suite au sein de l’AC.

[PDP] Pour le PDP, il n’y a pas de coalition envisagée. Des discussions dans ce sens seraient une perte de temps. Il faut que les partis exploitent ce temps pour constituer les forces politiques, aller sur le terrain, participer à l’encadrement politique des citoyens et les encourager à s’impliquer dans la vie politique.
Au sein de l’AC, le PDP se rapprochera des forces politiques sur les questions sur lesquelles il y a convergence, et sur la base du consensus.

Question 4 : « Ni Allah … Ni Maître » Liberté d’expression : totale ou relative à l’identitié (en l’occurrence arabo-musulmane)

[PDP] Toute violence qui s’opposerait à la liberté d’expression est inacceptable. Il faut frapper fort pour répondre à cela. La liberté doit être totale, et les questions sensibles doivent être gérées sur le terrain de la politique pour permettre des avancées réelles. Un véritable débat est souhaitable.

[FDTL] La position du FDTL est la même, et Selim Ben Abdesselem rajoute que même l’identité arabo-musulmane ne tolère pas ce qui s’est passé. Il faut faire respecter l’ordre (ce qui n’est selon lui pas le cas aujourd’hui, comportement discutable des forces de l’ordre). Le FDTL soutient la liberté d’expression et de création artistique.

[PDP] Adnane Ben Youssef reprend la parole pour rappeler qu’avant le 14 janvier, lorsqu’il y a eu le fameux incident entre Psycho-M et Saousen Maalej, le débat n’était même pas possible sur la scène politique ou ailleurs, alors qu’aujourd’hui il est de la responsabilité de toutes les forces vives du pays et pas seulement des partis politiques d’aborder ces questions.

Question 5 : Est-il possible aujourd’hui de revenir sur le choix des élections d’une AC ?

[FDTL] Non, ces élections sont nécessaires pour donner le cadre légal sain et adéquat pour des élections présidentielles et législatives.

[PDP] Nous n’étions pas opposés à l’AC au contraire, mais nous avons envisagé des élections intermédiaires pour avoir un gouvernement légitime et peut être plus de temps pour rédiger la constitution.

Question 6 : Position des partis représentés concernant la nature du régime et la séparation des pouvoirs

[PDP] Il faut donner une place plus forte et plus de pouvoir au parlement tout en maintenant la fonction présidentielle. Il faut que le parlement soit souverain et ne puisse pas être dissous par le président, et soit seul habilité à produire des lois.
Concernant la séparation des pouvoirs, il est nécessaire de garantir l’indépendance de la justice sans aucune possibilité d’intervention du président ou du parlement. Les décisions doivent être prises en interne uniquement. Un conseil constitutionnel est envisagé.

[FDTL] Régime mixte à dominante parlementaire avec un président « arbitre ». La déclaration des Droits de l’Homme doit être inscrite à la constitution. Le mandat présidentiel doit être plus long que le mandat parlementaire. Le premier ministre doit répondre au parlement et pas au président. Le président peut avoir un droit très limité de dissolution en cas de crise grave. Il faut adopter la proportionnelle au sein du parlement pour éviter les blocages. Il faut un conseil constitutionnel avec un pouvoir plus large que, par exemple, celui qui existe en France.
Concernant la séparation des pouvoirs : il faut garantir l’indépendance de la justice, et l’inamovibilité des juges (qui ne doivent être bougés de leur poste qu’avec leur accord). Il faut également réguler les sondages et les médias via des instances indépendantes. Plusieurs instances de régulation doivent donc exister. Le FDTL est favorable à l’existance d’une instance nommée à la majorité par le parlement pour garantir la séparation du religieux et de l’état notamment en contrôlant l’absence d’activité politique au sein des mosquées. Il est également pour un travail sur le maintien et la progression des droits des femmes.

Question 7 : Libertés individuelles et Article 1 de la constitution

[PDP] La constitution peut définir une identité tunisienne sans que cela se transforme en un article « d’exclusion » des minorités.

[FDTL] Le FDTL est favorable au maintien de l’article 1 sous condition que cet article ne dépasse pas le cadre identitaire et s’accompagne d’articles garantissant l’égalité entre les citoyens. Ce qui est déclaré dans l’article 1 (notamment pour la langue) ne doit pas empêcher l’ouverture sur les autres. Sur la question de l’islam, cela doit être uniquement une question d’identité qui découle de l’histoire du pays. L’introduction de la déclaration des Droits de l’Homme dans la constitution ainsi que la garantie de la séparation entre politique et religieux (via l’instance proposée plus tôt) permet de garantir les droits des citoyens.

Voir la suite du compte rendu de Nadia Ayadi et en particulier la 2ème partie consacrée aux questions avec le public

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